Quand dire c’est faire, ou comment les mots modifient notre monde

man proposing to girlfiend outdoors

Je te demande en mariage : Quand dire, c’est faire !

« Oui, je te prends comme épouse« .

La phrase est solennelle. Ce ne sont que quelques mots. Mais elle change toute la vie de deux personnes : elles sont liées par les liens du mariage au moment même où les mots sont prononcés.
Ces mots prononcés lentement à l’église, devant toute l’assemblée sont un acte en soi : elles changent le monde. Ce ne sont pas que des mots qui décrivent le monde. Ils le modifient.
Dire, c’est donc faire. C’est ce que l’on appelle un acte performatoire.
C’est le philosophe anglais Austin qui a découvert ce troublant phénomène.
Focus sur cette formule célèbre « Quand dire, c’est faire » !

Que signifie « Quand dire, c’est faire ? »

Au départ, Austin distingue dans les jeux de langage les mots qui permettent de « constater » le monde, et les mots « performatifs », qui ont une dimension active.
Quand je dis « je te félicite », on ne rapporte pas quelque chose, mais on fait quelque chose.

  • Lorsqu’on décrit le monde de manière descriptives, les mots enregistrent un état du monde : world to word.
  • Lorsqu’on agit sur le monde par certaines locutions (performatives), les mots ajoutent un état au monde : word to world.

Les phrases affirmatives ou descriptives ( « la fenêtre est ouverte« ) peuvent être vraies ou fausses.
Les phrases performatives (« la séance est ouverte » ) peuvent réussir ou échouer dans la modification de l’état du monde : si c’est une personne dans le public qui prononce la phrase dans l’assemblée, elle n’a aucune valeur. Si c’est le président de l’assemblée, l’action réussit.

Voilà des exemples de verbes « performatifs » ( qui sont une vraie action quand on les dit ) :
baptiser, léguer, ouvrir la séance, donner un ordre, un avertissement, un conseil, un blâme …

La coupure sémiotique effacée.

sens_reseaux_sociaux_internet_sémiotiqueLa coupure sémiotique distingue le mot de la chose qu’on décrit ( « la carte du territoire » ). Les phrases descriptives utilisent des mots qui se détachent de la réalité. Les mots permettent de se couper du monde, de le maîtriser en nommant les choses.
Voilà l’importance de maîtriser le langage. Non qu’on paraisse plus intelligent en utilisant des mots compliqués, ou variés.
Mais ils permettent de saisir la réalité. Exemple : nous européens avons peu de mot pour parler de la neige, car c’est un phénomène épisodique dont on s’accommode bien. Les esquimaux, eux, ont des dizaines de mots pour le mot neige, pour pouvoir en exprimer toutes les subtiles différences. Pour les esquimaux, c’est important, dans le monde physique dans lequel ils vivent.
La maîtrise du monde passe donc par cette séparation des mots qui décrivent le monde.
Dans les phrases performatives, au contraire, la réalité se confond avec les mots :
« Je vous félicite » confond les 2 niveaux : la phrase énonce un acte qui n’est autre que cette énonciation. La représentation de ce qu’on dit et les mots se mélangent. On a là une « auto-référence ».

La découverte d’Austin a eu une grande influence lorsqu’il fit sa première conférence.
Quand dire c’est faire, la formule choc, qu’on découvrira plus longuement dans le texte original d’Austin :
Quand dire c’est faire, selon John Austin.

2 réflexions au sujet de « Quand dire c’est faire, ou comment les mots modifient notre monde »

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