L’ennui, cet objet désuet du XXeme siècle

Notre monde moderne ne permet plus ce qu’on appellait l’ennui.

Qu’est ce que l’ennui ?

Souvenez-vous !

Dans le bus qui nous amenait à l’école, c’était un instant, long, très long.

Qui nous permettait de glisser son doigt sur la fenêtre du bus embuée pour y dessiner son imagination.

Ce sont les longues journées d’été en vacances, où la vacuité prenait sens : Etre là. Et pourquoi ?

Les premiers balbutiements d’une histoire personnelle face à l’absurdité de notre condition humaine.

Le bonheur fragile de l’ennui et de la paresse

Mais aujourd’hui, dans le bus, j’ai mon smartphone. Et je tweete. Ou je facebooke pour commenter les dernières photos de mes « amis ».

Pourtant, chacun est maître de son destin : il suffit de couper son smartphone, de se mettre « off-line ».

[ Eteindre sa vie numérique ou le bouton off-line ]

Notre société nous interdit pourtant cet acte subversif :

La productivité, la nécessité d’être « on-line » en permanence sont maîtres.

Certes, déjà, au temps de l’adolescence, notre maman nous prévenait, lorsqu’à 11 heures nous trainions de manière paresseuse ( ennui et paresse sont amis ) : « Fainéant, lève-toi, t’as perdu ta matinée ! ».

Aujourd’hui, ce mot d’ordre est décliné, partout. Et au plus jeune âge.

L’école n’est plus un modèle de connaissance, même stérile :

les théorèmes de mathématique appris n’ont pas d’application concrète dans mon quotidien. Mais j’aimais révasser pendant les cours de maths. Mon esprit apprenait d’autres choses, dans mon ennui.

Aujourd’hui l’école est un apprentissage de la vie d’entreprise : apprendre ce qu’on attend de moi dans l’efficacité.

L’ennui et l’inutilité sont bannis.

On remarquera pourtant, que dans la nature, beaucoup de choses sont futiles, mais nécessaires. Les couleurs des fleurs sont inutiles. Mais ont toujours une signification subtile et pas forcément visible.

L’ennui est stérile, inutile. Et dans une société de crise, où l’on doit montrer que l’on est le plus fort, l’ennui est synonyme de fainéantise.

La résistance est de mise, parfois. On se souviendra du livre de Corinne Maier : Bonjour paresse.

Les effets sur notre génération Y numérique.

Le temps numérique et le temps humain ne sont pas les mêmes.

Nos usages numériques privilégient le temps instantanné. Et peu la longueur du temps.

Et pourtant le temps humain est bien élastique. L’espace et le temps virtuellement délicieux.

Si l’ennui doit disparaître, il est un constat : l’adolescent d’aujourd’hui qui n’a pas les moyens numériques, ou qui n’a pas rechargé sa batterie est mort :

il se retrouve face à un décalage : s’il s’ennuie, c’est de sa faute. Cette culpabilité est augmentée, lorsqu’il surfe sur les pages Facebook de ses copains. Eux ont publié les photos de leurs soirées, ou indiquer leur « hyper » activité.

Elle implique ce qu’on appelle le syndrome du Fomo : Fear Of Missing Out : le syndrome du Fomo

On notera aussi les méfaits d’une inutilité ressentie, par ceux qui n’ont pas de travail, et se sentent exclus. Renforcé par ce déni d’une paresse parfois légitime.

Mais positivons ensemble , Cultivez l’ennui et la paresse, c’est acte de résistance. 

Et le XXIeme siècle doit se faire miroir du XXeme :

A l’heure de ce billet, je suis malade. Je vais chez le médecin, j’aurai 1 heure d’attente dans la salle. Je ne lirai pas les revues obsolètes d’un an, je resterai dans mon ennui : regarder autour. Promis !

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10 réflexions au sujet de « L’ennui, cet objet désuet du XXeme siècle »

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    1. zeboute Auteur de l’article

      Merci , prendre du recul et ouvrir ses neurones aux sciences de l’information, et de la communication ; voilà bien l’objet de ce blog, et de ces recherches.
      Bonne lecture !

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  2. Vidal philippe

    La génération d’avant à eu la télé et on s’est aperçu qu’on pouvez s’ennuyer devant. Nos rythmes ne sont pas statiques, et je suis convaincu qu’ils ne se transforment que très lentement. Bien plus lentement que les évolutions techniques dans nos société.. Les grands changements de se type que nous hommes modernes croyons constater ne sont souvent qu’une illusion.

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  3. Jean-Philippe

    Bel article Zeboute ! Heureusement, je garde et cultive mon pré carré d’ennui, envers et contre toutes les agressions numériques. 😉

    PS : Les couleurs des fleurs ne sont pas inutiles, bien au contraire, elles ont une fonction précise : attirer les insectes pollinisateurs ! Je me trompe ? 😉

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    1. zeboute Auteur de l’article

      Merci pour votre compliment !

      Effectivement, l’inutilité de notre monde, comme les couleurs des fleurs ont une vertu qu’on oublie…

      Appelés  » bruit  » ou  » parasite  » dans notre monde de la performance, on pourrait parler de « redondance » :
      Tout ce qui ne sert à rien, sauf répéter ce qui est là depuis des centaines d’années : le long ennui vertueux, la paresse, sous lesquels vombrissent silencieusement nos neurones…
      La dépression, dans les dernières recherches pshychiatriques montre d’ailleurs qu’elle est une hyper-activité neuronale, qui ne sait plus réguler notre activité…
      l’inutilité et l’ennui, le « être là ; point » sont plutôt révélateurs d’une vie saine :), et génèrent ce qui est indiscible :
      une légèreté de notre être et une résistance sans bruit.
      Pour mieux vivre, avec soi même, et avec les autres !
      A suivre !

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