Concept d’information et d’énergie, la rétroaction

Le concept d’information a été défini scientifiquement par Claude Shannon.

L’information a largement été décrite comme le choix d’un message parmi d’autres pour communiquer.

Elle relève de la probabilité, de la statistique, dans la production du message.

L’information comme unité vivant seule dans notre monde de signes, de communication…

On verra dans cet article que la grande découverte de la rétroaction, a permis de briser une histoire de la pensée. Avec les répercutions dans le monde de l’idée, de la communication, et plus largement dans les sciences humaines et sciences dites « dures ».

Les travers des études d’une communication uni-latérale ont été relevés par un pan des théoriciens des sciences de l’information, notamment par l’école Palo Alto.

Ces recherches se sont attachées à replacer l’information dans une dimension pragmatique, c’est à dire dans la relation.

Tout message est reçu par un destinataire, et ce destinataire réagit, et influence l’émetteur du message original.

Modèle de communication de ShannonAinsi, la communication n’est plus la production Emetteur -> message -> destinataire, comme on le voit sur le schéma de Shannon, qui définissait un flux dans un seul sens, du locuteur au destinataire du message [ schéma de Shannon ].

La communication est plutôt boucle, une rétroaction qui, dans ce schéma introduit le « feed back », ou la rétroaction.

La rétroaction, feedback est au coeur du domaine de la cybernétique.

La rétroaction positive et négative, dans la cybernétique.

Les travaux de Norbert Wiener introduisent la notion de rétroaction.

Un système A agit sur un système B, par un message X.

Le système B renvoie au système A un autre message, en retour.

Cela permet au système A de « calculer » les effets qu’il a produit par son message, et ajuster son message, ses actions.

La rétroaction est dite négative quand elle pousse à laisser le système A  dans un état stable. On parle alors d’homéostasie.

Les exemples d’homéostasie sont nombreuses :

– les systèmes d’autorégulation de la vitesse, par exemple. Les messages d’information ( paramètres de la vitesse ) permettent au système d’augmenter ou pas la vitesse, afin de se stabiliser à une vitesse fixe.

– la régulation thermique du corps humain,  qui voit tous ses mécanismes d’action de corps agir, afin de rester à une température corporelle constante de 37°5.

La rétroaction est dite positive quand elle ne vient pas à réduire, mais au contraire à négativer les effets qu’elle produit, et à les accélérer.

Information et énergie. Le choix de la liberté et d’échange.

Le principe de rétroaction, largement appliqué dans la science, et la cybernétique, l’intelligence artificielle, a de grandes répercussions dans le domaine des idées, de la psychologie, de la philososophie.

Pour illustrer ce fait, reprenons l’exemple cité dans La logique de la communication, de Paul Watzlawick : l’exemple de la pierre et du chien.

« Si en marchant, on heurte du pied un caillou, l’énergie se transmet du pied à la terre ;  le caillou va se déplacer et finira par s’immobiliser dans une position qui sera entièrement déterminée par des facteurs comme la quantité d’énergie transmise, la forme et le poids du caillou, et la nature de la surface sur laquelle il roule ».

« Mais si on donne un coup de pied à un chien, le chien peut bondir et mordre. Dans ce cas, la relation entre le coup de pied et la morsure est d’un ordre très différent. Ce qui est transmis, ce n’est donc plus de l’énergie, mais de l’information ».

En résumé, la différence entre énergie et information est celle-ci : l’énergie ne permet qu’un rapport stimuli – réaction, sans possibilité de réaction, de choix.

L’énergie et l’information.

Ce glissement conceptuel de l’énergie à l’information est capital.

Autant l’énergie véhiculée a une action déterministe. Autant l’information n’est pas déterministe.

Dans le cas de l’énergie, c’est la loi de la causalité qui prime.

A implique B. B implique C.

La rétroaction permet au contraire de briser cette chaine de causalité transitive.

A implique B, et B implique C. Mais C peut influencer B, ou A.

D’une linéarité, se définit un cercle, vertueux dans le sens où chaque élément enrichit les autres.

La fin de la causalité.

L’histoire de la philosophie et des sciences s’est longtemps nourrie de la causalité explicatice de notre monde.

Des axiomes mathématiques expliquent par des formules.

La loi de la gravité qui régit l’énergie des corps qui tombent, par exemple.

Tout est explication causale ; les religions et les sciences se sont appliquées à mettre en évidence ces lois.

  • La décomposition de notre corps en ADN décortique une programmation déterminée de notre être, voire de notre comportement.

De là, une théorie darwiniste qui définit la sélection naturelle, par exemple.

Seul le plus fort, le plus résistant perdure, dans l’imaginaire collectif représentatif de Darwin.

C’est oublier que la mouche ne résiste pas au pied de l’éléphant.

Pourtant mouches et éléphants co-existent dans un monde pas aussi binaire et déterminé.

Les efforts de la science ont en tout cas défricher l’explication du monde.

Depuis, le XXeme siècle a pu bousculer les  concepts d’énergie ( à tout effort a une cause ), pour découvrir l’échange, l’information qui est une composante moteur d’une explication plus systémique de notre monde.

  • Un autre exemple de causalité : dans le domaine de la religion, la causalité est un concept hégémonique :

l’explication divine ne prête à aucune contradiction.

Tout vient d’en haut, de la parole biblique jusqu’à la parole de l’église.

L’énergie irradie notre raison, notre corps. Par la foi.

La foi en ce sens est acceptation, l’intégration de cette énergie divine.

Comme le coup de pied qui transmet une énergie cinétique qui ne demande aucune réaction…

A la différence, l’information est une liberté de choix, une mesure à la capacité de choisir entre le 0 et 1.

Plus un message est certain, sans contradiction, sans réponse possible, plus il est pauvre en information.

Dire que « la famine est un mal de notre monde » n’apporte rien. Tout le monde le sait, et plutôt d’accord. Il n’y a pas débat, pas matière à réagir, à discuter.

On remarquera ainsi que le concept d’énergie qu’on oppose à l’information peut s’appliquer au monde de la communication et des médias également. Une donnée qui ne produit aucune liberté ou de choix est elle vraiment une information ?

Le monde informationnel comme moteur d’énergie, de stimulus / réponse sans liberté.

L’information et la communication peuvent en effet souffrir de cette causalité déterministe du concept d’énergie.

A chaque fois qu’elles ne permettent aucune réponse, aucune liberté de choisir.

C’est le cas de l’infobésité, et de ce qu’on appelle le poujadisme, ou le « populisme ».

  • Infobésité.

L’infobésité est un néoligisme qui qualifie l’information, et sa sur-production dans notre monde actuel. « Trop d’information tue l’information ».

Et effectivement,  l’information doit être vécue et intégrée comme un facteur de choix, de décision, de liberté. La surabondance d’information, et le manque de tri de l’information ne nous permettent plus de « réagir », mais de subir.

Et de revenir au concept d’énergie stimulation-réaction, sans liberté de décision.

  • Le poujadisme ou populisme.

Le poujadisme ou populisme se caractérise par la diffusion d’idées simples, convaincantes, qui appellent plutôt aux réactions primaires qu’à la réflexion.

En ce sens, le poujadisme préfère la causalité rassurante de principes de « bon sens ».

Hors le bon sens n’est pas forcément la réalité ou la vérité.

Les choses ne sont  jamais si simples… Le poujadisme et le populisme rejettent donc la complexité. Et le principe de rétroaction, qui permet de réfuter la causalité.

On lira l’article intéressant de Roland Barthes sur le poujadisme.

Le concept d’énergie et de rétroaction ne sont pas que des notions scientifiques, et réservées au cadre de la cybernétique par exemple.

Ils sont un paradigme de référence, pour nous permettre de jauger nos rapports à l’information en général. 

Telle une boussole qui doit orienter tout citoyen curieux, et tout « chercheur » en sciences de l’information, et de la communication.