Les nouveaux modes de raisonnement du XXI eme siècle ou une nouvelle médiologie de l’école

Communiquer aujourd’hui, ce n’est pas utiliser que sa raison, son cerveau, c’est séduire, trouver les bons moments, les bons moyens technologiques.

En bref, être efficace.

C’est à l’encontre de l’histoire de la pensée, depuis des siècles.

Long processus humain de notre pensée… Retour sur l’histoire, et sur notre mode de raison aujourd’hui… 

Petite histoire de l’école républicaine, ou la thèse, anti-thèse, synthèse

L’école républicaine s’est attachée, depuis Jules Ferry, à fournir une instruction de « base » à chaque citoyen français. De sortir de l’ignorance, d’appréhender des concepts fondamentaux, dans la raison, et sortir de l’obscurantisme.

Bref, poursuivre l’oeuvre du siècle des Lumières.

Pouvoir offrir à tous la possibilité de progresser dans le domaine de la connaissance. Si aujourd’hui on fustige facilement le taux de réussite au baccalauréat, il faut prendre conscience que ce modèle d’apprentissage a élevé le niveau de notre pays.

La légitimité de la culture universelle, apprise et véhiculée s’est craquelée au niveau mondial, au moment de la décolonisation des empires historiques ( la France, l’Allemagne, l’Espagne ), au milieu du XXeme siècle.

On s’est rendu compte que l’universalité de l’ Homme n’était pas la vision du cercle fermé des nations dites occidentales ou historiquement « riches » ( en terme de culture, de technique) , mais que les peuples ont chacun leur histoire, leur modes de vie et de pensée. La décolonisation a permis de faire exploser le concept de l’homme-occidental-raisonnable et détenteur de la vérité universelle du bien, de la morale.

Le modèle de la raison est il caduque ?

L’histoire du progrès humain, sur les avancées technologiques, scientifiques, morales, philosophiques s’est basé sur ces deux principes :

– évaluer les faits et soupeser leur contraire ( thèse / anti-thèse ) pour en faire une synthèse.

– sortir de tout contexte, de la temporalité, de la contingence les faits, pour que les faits soient universels, détachés de tout contexte. De là sont nées les avancées des mathématiques ( le théorème étant une formalisation « fermée » d’axiomes indépendants du sujet, du contexte qui les produit ), de la médecine, de la science en général.

L’application scolaire se fonde donc sur  l’apprentissage scolaire par la thèse / anti-thèse / synthèse.

La fin de l’école Républicaine ?

Comme nous l’avons évoqué, la fin de la seconde guerre mondiale en 1945, et la décolonisation ont sérieusement remis en cause la notion d’universalité de l’Homme. Le modèle du siècle des Lumières, du progrès humain s’est heurté à la réalité de peuples différents, en terme de culture, d’histoire. L’effet sur notre pris du temps , mais a abouti à la perte de repère du modèle républicain de l’apprentissage de la « raison pure ». Et aujourd’hui explique encore les incompréhensions de l’éducation nationale et les « décideurs » du bien être de notre nation.

Le glissement vers l’école analogique, de l’éveil, et de l’efficacité.

La crise de l’école républicaine aujourd’hui  a abouti à un glissement vers une nouvelle forme d’éducation, qui a largement désespéré le monde éducatif .

– la crise de la raison :

Comme nous l’avons évoqué, le modèle universel de la raison comme véhicule de progrès humain s’est heurté à des contradictions historiques. Cela malheureusement aujourd’hui évacue et liquide des siècles de progrès scientifiques. Aujourd’hui la science n’est plus une filière d’avenir.

– l’éveil de nos jeunes enfants :

L’enfant, étymologiquement est l » « infans », celui qui ne sait pas parler. L’enfant dispose. La fin du XXeme siècle a renversé la hiérarchie parent / enfant. L’enfant est devenu roi. En Chine, par exemple, qui ne permet que d’avoir un seul enfant renforce le paroxyme de l’enfant  chéri, car unique. Là est de lui apporter son épanouissement. Or réfléchir, et raisonner sont des actes qui demandent de l’effort. Aussi l’apprentissage des concepts fastidieux de la raison bat de l’aile. On a ainsi commencé à ouvrir l’école à l’éveil, aux activités culturelles, sportives, au delà de l’apprentissage. La maîtrise de l’orthographe, ou des sciences en un sens peut être perçue comme inutile.

– la crise économique :

Aller à l’école aujourd’hui, pour nos instances politiques, c’est de sortir du cursus scolaire pour trouver du travail. Non pour appréhender les concepts de raison. Ou d’approcher la culture, la connaissance générale, la philosophie ( qui ne sert pas à trouver du travail ). Le monde politique est bien sûr soumis à la réalité économique, et a poussé l’éducation nationale à modifier ses modes d’enseignement. Etre efficace et opérationnel.

Le nouveau monde d’une raison analogique-digitale.

Aujourd’hui, écrire sur une page de papier une réflexion sur les arguments, contre arguments parait désuet

( écrit on encore en dehors de l’école ?? ).

Il suffirait d’une image, d’un coup de gueule pour exprimer sa pensée, et avancer…

Dans le monde de l’entreprise, comme dans la sphère privée, l’objet n’est pas forcemment d’être, mais de paraitre.

Les modes de communication ne se basent pas du tout sur la thèse/antihèse/synthèse évoquée plus haut, mais sur les notions suivantes:

– l’immédiateté :

Les modes de réflexion, d’échange sont largement transmis par le mode instantané des médias numériques. L’ e- mail, par exemple,  est l’objet qu’on avale en instantané. Il oublie les fautes d’orthographes, la raison : l’objet est d’y répondre rapidement, tout de suite. La raison traditionnelle n’a plus de raison d’être.

– la communication analogique ‘comprends moi » :

Les usages en entreprise de l’échange entre salariés relèvent aujourd’hui de deux ordres:

– le respect et l’application des process : dans un monde où la création de valeur n’existe plus, mais réside dans l’optimisation des coûts, le process qui traduit sur le papier les usages à appliquer par chacun ( dans le domaine de l’industrie, de la banque ) fait légion. C’est le dernier pendant rationnel d’une méthode rationnelle et scientifique, où l’on suit des processus écrits, réfléchis, et optimaux. [ comme au temps du fordisme, mais aujourd’hui appliqué dans le monde tertiaire ]

– la communication chaotique, analogique et fusionnelle :

L’entreprise commence à s’ouvrir au monde analogique, c’est à dire non plus sur des principes industriels, de process, mais reliés au monde réel, via le monde virtuel ; être avec son client, le comprendre, avoir de l’empathie. Ne plus séparer  le client et l’entreprise, mais ne faire qu’un. Aujourd’hui, on élue le « président client« .

Dans le monde de l’entreprise, on ne s’attache plus à rationaliser, mais au contraire à fusionner. Et c’est le nouveau concept de raisonnement : le story line.

La story line, ou voilà pourquoi on est là.

A l’inverse du schéma traditionnel « thèse / antithèse / synthèse », les nouveaux modes de raisonner replacent l’homme, l’enfant dans ce qu’il est : un être de raison, mais aussi de corps et de chair.

Cette nouvelle appropriation de la réflexion  a une vraie valeur, dans le sens où il replace l’homme dans son intégralité. L’homme n’est pas que neurones, mais tripes, coeur, faille, erreur, susceptibilité….

[ on remarquera à ce propos que même les grandes découvertes scientifiques, comme pour Kepler, sont nées d’ambition et de susceptibilité humaines, oubliées dans les livres scientifiques mais bien réelles ]

Le nouveau concept, déjà initié dans la mutation de l’école par la recherche d’épanouissement de l’enfant dans sa globalité, au delà des théorèmes, a trouvé un écho dans le monde numérique.

Car être visible sur la toile, que ce soit sur les réseaux sociaux, les blogs, ou en entreprise, le paraître nécessite les points suivants :

– Capter l’intérêt.

– Expliquer avec empathie son « histoire » : voilà pourquoi, comme un conte, on est arrivé à décider d’un fait, d’une décision. Ce n’est plus la rationnalité qui prime, car effectivement, lorsqu’on aboutit à un résultat, c’est souvent le hasard [ la sérendipité ] , les circonstances qui ont produit les effets. Plus qu’un schéma rationnel tout tracé à l’écrit. Expliquer avec sincérité, via des smileys, des doutes, des points de suspension ce que l’on fait, et pourquoi et comment on l’a fait.

Ce nouveau schéma : captation / séduction ; explication ; décision devient le nouveau mode de schéma rationnel.

Dans le monde virtuel, la captation est l’élément déclencheur de l’envie d’en savoir plus. On lira l »heuristique d’internet« , à ce sujet.

En conclusion, la rationnalité est nécessaire, et ne doit pas être évacuée, car c’est ce schéma longuement éprouvé qui a permis de produire notre monde moderne.

La dimension humaine, par la cohabitation de la réflexion et de l’humanité est plus compatible avec ce que nous sommes.

C’est la coexistence de ces deux modes de pensée et de transmission qui doit nous permettre d’avancer, et de prendre le recul sur notre vie, l’éducation, et notre rapport au monde, virtuel ou pas.